La névralgie d’Arnold et l’ostéopathie Crânio‑Maxillo‑Faciale

Cela fait longtemps que je souhaitais écrire un article sur la névralgie d'Arnold. En effet, c'est une des causes fréquentes de consultation dans mon cabinet. Cette pathologie peut être assez invalidante et difficile à supporter par les patients. Les traitements médicaux et paramédicaux peuvent aider à soulager la douleur et régler une partie des causes des problèmes. Dans ce cadre, l'ostéopathie, notamment l'approche Crânio‑Maxillo‑Faciale, est un excellent complément et peut beaucoup aider le patient, par son angle de travail à la fois spécifique sur le crâne et les cervicales, ainsi que par une ouverture plus globale sur toute la posture et l'équilibre général de la personne. Nous allons voir plus en détail cela.


Anatomie du nerf d’Arnold et de la région sous‑occipitale


Source: Wikipedia 

Le nerf d'Arnold, ou nerf grand occipital, est un nerf qui prend son origine au niveau de la partie haute des cervicales (les vertèbres situées le plus en haut de la nuque, juste en dessous la base du crâne). Il est une branche du plexus cervical postérieur et a un trajet particulier, qui explique en grande partie le fait qu'il soit souvent comprimé ou inflammé. En effet, le nerf d'Arnold émerge entre les deux premières vertèbres cervicales (C1 et C2), puis il traverse en arrière un carrefour musculaire très important, entre les muscles sous‑occipitaux (ou muscles verniers): muscle grand oblique, petit oblique et grand droit postérieur. Nous reparlerons davantage de cette zone dans le paragraphe consacré aux causes et possibles zones de conflit.

Source: Netter

Ensuite, le nerf d'Arnold remonte en direction du crâne, par un trajet en hémicasque, depuis l'arrière du crâne (occiput), vers la zone au dessus de l'œil (région frontale ou supra‑orbitaire). Il est au cours de son trajet, à l'extérieur de la boîte crânienne, donc très superficiel, et est intime avec l'aponévrose épicrânienne (ou galéa). Il faut le visualiser en dessous du cuir chevelu (entre la racine des cheveux et la partie osseuse du crâne).

Ce nerf est double, nous en avons donc un à droite et un à gauche. Il est relativement volumineux, donc les douleurs peuvent être importantes (la taille du nerf est relative au nombre de fibres nerveuses, donc à la quantité d'information notamment douloureuse qu'il peut transmettre au cerveau).


De par sa localisation en superficie, il est fréquemment soumis à des traumatismes en cas de choc sur la tête. La névralgie d'Arnold peut souvent être confondue par les patients avec les migraines.


Les traitements médicaux proposés


En cas de tableau de névralgie d'Arnold (douleur sur la moitié du crâne, souvent à départ cervical mais pas uniquement, douleur parfois lancinante, parfois pulsatile, souvent au contact sur le crâne ou la nuque, comme par exemple en se couchant sur un oreiller), le médecin peut donner au patient des examens à faire pour confirmer le diagnostic de névralgie d'Arnold et surtout éliminer d'autres causes possibles de cette douleur. Parfois il est retrouvé des signes d'inflammation à l'IRM ou au Scanner, au niveau du carrefour sous‑occipital (la zone dont nous avons parlé), mais les examens peuvent aussi être normaux. En effet, il peut y avoir une inflammation à bas bruit, non visible aux examens mais bel et bien responsable de la douleur de névralgie.

Dans tous les cas, le médecin est le plus à même de confirmer ou infirmer le diagnostic et pouvoir ensuite proposer un traitement adapté.

Dans ce cadre là, ce qui compte avant tout est de soulager rapidement la douleur. Avoir une douleur intense au niveau du crâne, de la nuque, peut être très difficile à supporter pour le patient en phase inflammatoire, empêcher les activités quotidiennes, le travail professionnel, la vie sociale et familiale, influer également sur le moral, conduire à des états dépressifs. Il n'est pas bon de rester avec une douleur importante un temps prolongé. En général, le médecin va prescrire des anti‑douleurs en commençant par des doses légères puis plus importantes si les effets ne se font pas sentir. Également pour les anti‑inflammatoires. En cas de résistance à ces traitements, un infiltration de corticoïdes peut être envisagée dans l'environnement du nerf d'Arnold au niveau sous‑occipital. 


Source: Larousse

Dans la période qui suit la phase aiguë, quand la douleur devient moins inflammatoire et plus chronique, de la kinésithérapie peut être envisagée pour détendre les muscles de la nuque, redonner doucement de la mobilité au niveau des premières vertèbres cervicales. Ce travail ne doit pas être fait trop tôt pendant la phase aiguë car comme la région est en hypersensibilité nerveuse, une action trop directe peut parfois aggraver les douleurs (ceci est à l'appréciation de chaque praticien, qui tâchera d'employer la méthode la plus adaptée au patient).



Intérêt de l'ostéopathie Crânio‑Maxillo‑Faciale/ La névralgie d'Arnold dans une approche globale.


Source: Sobotta

Comme nous l'avons vu, la névralgie d'Arnold est une pathologie spécifique avec un parcours de soin médical conventionnel. Cette douleur crânienne peut aussi être prise dans une approche plus globale, c'est à dire qu'au delà du symptôme , il est possible d'essayer de comprendre l'origine des douleurs pour en éradiquer la cause, autant que faire se peut. Comme dans toutes situations douloureuses, des mécanismes de compensation se mettent en place. Nous allons en définir quelques uns, mais d'abord voyons les différentes zones de conflit possibles:


-au niveau vertébral: le nerf d'Arnold peut être comprimé à la sortie de la colonne vertébrale entre la première et la deuxième vertèbre cervicale (atlas et axis, c1 et c2). Cette compression peut être due soit à de l'arthrose, c'est à dire une usure des cartilages, soit à un blocage du à une mauvaise posture ou à un choc (traumatisme crânien ou cervical, comme une ancienne fracture, une entorse cervicale).


Au niveau du carrefour musculaire sous occipital:

Lors de son passage dans l'espace musculaire sous‑occipital, le nerf peut subir des pressions sur son trajet si les muscles sont spasmés ou en tension. Ceci est en fait extrêmement fréquent . En effet, la tête est lourde de plusieurs kilogrammes et il faut penser que la zone portante se situe au niveau de la partie haute de la nuque. De plus, des études en biomécanique ont montré qu'une flexion ou inclinaison de la tête augmente considérablement le poids que les cervicales ont à supporter; sur internet il est possible de trouver des informations sur le « syndrome du « cou‑texto »: tête droite = 5kg, tête a 30 degrés de flexion 18kg, tête à 45 degrés 22 kg… imaginez le travail des muscles sous‑occipitaux, notamment chez certains jeunes que l'on peut croiser dans la rue sur leur téléphone, avec parfois un angle de 90 degrés entre la tête et le tronc !

Ensuite, il y a un lien essentiel à comprendre entre la zone sous‑occipitale et la fonction oculaire / oculomotrice ( c'est à dire le mouvement des yeux et la vision). Sans rentrer dans les détails neurologiques, il y a un lien fonctionnel très fort entre ces petits muscles à la base du crâne et la manière dont les yeux bougent dans leur orbite, par l'intermédiaire du réflexe oculo‑céphalogyre.

Définition du réflexe oculo‑céphalogyre: réflexe qui permet une rotation inverse des yeux lors des mouvements de la tête. Cela permet par exemple de garder les yeux fixés sur un objet en tournant la tête. Il y a une connexion nerveuse très importante dans le tronc cérébral entre les yeux, les organes vestibulaires de l'équilibre dans l'oreille interne et les muscles sous occipitaux . 


Faisons un petit exercice: placez vos doigts à la base du crâne, dans la partie molle (région sous occipitale), la tête dans une position neutre. Ensuite, regardez complètement à droite et à gauche, alternativement , en essayant de ne pas bouger la tête, et sentez ce qui se passe sous vos doigts: normalement vous devriez sentir une contraction réflexe des muscles sous‑occipitaux, d'un côté et de l'autre. Il y a un mécanisme d'adaptation permanent entre ces muscles et le mouvement des yeux.


Comprenant cela, il est tout à fait logique d'envisager qu'un problème de vision, accommodation, de convergence oculaire peut générer un trouble dans le fonctionnement de cette zone, et donc à terme créer une perturbation mécanique sur le nerf d'Arnold.


Idem pour l'occlusion dentaire: la charnière crânio‑rachidienne (entre la base du crâne et les deux premières vertèbres cervicales) est éminemment adaptative de la fonction occlusale et des articulations temporo‑mandibulaires.


Il y a aussi un mécanisme d'adaptation de la charnière crânio‑rachidienne venant de la colonne vertébrale (informations ascendantes): en effet, la zone est adaptative de toutes les contraintes posturales de la personne, en permanence. C'est une véritable zone tampon. L'exemple le plus simple est de penser à une personne ayant une scoliose importante, c'est à dire une déviation franche de la colonne vertébrale. Cette personne va compenser pour garder la tête droite, de manière à pouvoir orienter son corps dans l'espace, et c'est la charnière crâne - cervicale qui va le plus adapter cette posture.


L'ostéopathe Crânio‑Maxillo‑Facial, au cours de son bilan va évaluer principalement :

1‑l'état de la zone cervicale en elle‑même 

2‑la mobilité et les contraintes de la charnière entre le crâne et les cervicales ( zone adaptative par excellence dont nous avons parlé).

3‑les influences venant des yeux et muscles oculomoteurs ainsi que l'occlusion dentaire sur la région cervicale.

4‑les influences posturales venant du bas du corps et s'exerçant vers le haut sur les muscles spinaux et sous occipitaux .


Ce faisant, cet état des lieux à la fois précis, local , et global permet de savoir si la zone anatomique du nerf d'Arnold et problématique en elle‑même ou si elle souffre sous l'influence d'un autre problème ou déséquilibre à distance.


L'ostéopathe Crânio‑Maxillo‑Facial pourra alors traiter manuellement tout déséquilibre ou tension pouvant exercer une compression ou contrainte sur le nerf d'Arnold, ainsi que de limiter les effets d'autres déséquilibres pour les effets du traitement osteopathique soient plus durables et profonds.

Cela vient donc compléter la thérapeutique conventionnelle de la douleur et la névralgie, ainsi que la kinésithérapie qui pourra aider à retrouver un bon mouvement de cette zone. Peut‑être sera‑t-il même possible de compléter par une rééducation vestibulaire si la névralgie d'Arnold se fait sur un fond dysfonctionnement de l'oreille interne. Egalement, l'orthoptie pourra aussi être envisagée si le système oculomoteur semble défaillant et influent.


L'expérience montre que ce type d'accompagnement permet d'avoir une récupération optimale dans le temps , et d'éviter la récidive des crises douloureuses et inflammatoires de névralgie d'Arnold, tout en apaisant et équilibrant le terrain du patient.


Pour toute question ou remarque, n'hésitez pas à me contacter directement.


Florian Mandrillon 


Liens d'articles connexes 


https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34753868/


https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/40017062/


https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34003169/



Lien vers un article sur le même sujet sur le site de mon confrère Arthur Meunier à Melun : https://www.osteopathe-melun.info/nevralgie-darnold/#:~:text=La%2520n%C3%A9vralgie%2520d'Arnold%2520est,une%2520perturbation%2520des%2520premi%C3%A8res%2520cervicales.