Troubles neuro‑végétatifs et articulation temporo‑mandibulaire
Le corps est un tout. Les pathologies locales mettent en jeu des mécanismes spécifiques, tissulaires, chimiques, métaboliques mais il est évident, pour quelqu'un qui cherche à comprendre les causes et les mécanismes de compensation, qu’il existe (presque) toujours une influence de l’équilibre général du corps. L'ATM ne déroge pas à cette règle, bien au contraire!
Ceci étant dit, il sera donc possible d’étudier, dans le cas d’une dysfonction maxillo‑faciale, des facteurs locaux (articulaires, musculaires, occlusaux), mis en évidence par l’examen clinique ainsi que tous les examens à disposition du praticien (radio, échographie, IRM, Cone Beam, etc), mais aussi les facteurs physiques et psychiques généraux, influençant à distance et dans la globalité, l’état pathologique. L’étude du système neurovégétatif dans cette perspective est indispensable.
En effet, Le SNA est la partie du système nerveux qui régule toutes les activités « autonomes » du corps, c’est à dire ce qui n’est pas soumis à la volonté du sujet: fonctionnement cardio‑respiratoire, digestif, … mais aussi, le fonctionnement des glandes endocrines et des sécrétions des médiateurs chimiques du système nerveux. On peut facilement penser que chaque tissu du corps est soumis à une régulation ou une influence du SNA pour son fonctionnement.
Schéma du système nerveux autonome (source Atlas anatomie F.Netter)
Il a un rôle majeur dans l’adaptation du sujet à son environnement.
- Le système nerveux sympathique est particulièrement actif quand il faut réagir à une situation classiquement décrite comme « attaque ou défense ». Dans la nature, c’est lui qui va permettre à un animal de fuir devant un prédateur, ou de se battre. Dans nos sociétés modernes, il est particulièrement sollicité en réponse à toutes les agressions, pollutions: lorsqu’il est trop souvent actif, il met la personne dans un état d’hypervigilance. Ce système, prévu par la Nature pour être actif sur de courtes périodes de temps, finit par être délétère à la longue et fatigue les tissus du corps qui ont du mal alors à se réparer.
- Le système nerveux parasympathique fonctionne schématiquement à l’opposé du sympathique. Dans son fonctionnement il agit dans les phases de régulation neuro‑hormonales, et permet la régénération des cellules et des tissus.
Telle une balance à deux plateaux, ces deux systèmes s’auto‑équilibrent toute la vie durant, en réponse au stress et aux autres conditions de l’environnement. Les déséquilibres chroniques du SNA font le lit de la plupart des pathologies de système, et accentuent aussi les états inflammatoires locaux.
Comment le SNA influence‑t-il le fonctionnement de l’ATM?
Les problématiques liées à l’articulation temporo‑mandibulaire sont multifactorielles. Il y a très souvent des facteurs mécaniques, comme un problème d’occlusion, des soins dentaires ayant contraint la zone, à cause d’extractions ou simplement du fait d’être resté la bouche ouverte pendant un long moment. Il y a aussi beaucoup de facteurs psychiques et émotionnels qui peuvent créer des manifestations douloureuses de l’ATM. Elles sont sous le contrôle du système neuro‑végétatif comme nous l’avons vu précédemment.
1- Hypertonie musculaire locale et générale
Une activation importante et durable du système nerveux sympathique (dans des situations de stress) va avoir tendance à créer une hypertonie musculaire générale (hypertonie des muscles eux‑mêmes mais aussi tension généralisée au niveau des fascias, tissu conjonctif qui enveloppe et relie toutes les structures du corps). Cette contraction musculaire va se retrouver de manière particulièrement marquée dans la région maxillo‑faciale, au niveau des muscles masséters, temporaux, et ptérygoïdien. Les phénomènes de bruxisme, centré ou excentré, se manifestent ainsi. Aussi, les muscles de la langue et de l’os hyoïde, bien que plus profonds, sont très souvent très tendus, ce dont le patient n’a pas conscience. On peut se rappeler aussi qu’au niveau du cortex sensitif et moteur du cerveau, Il existe un nombre de connections nerveuses bien plus important pour le visage, la bouche, la langue, que pour d’autres parties du corps.
Représentation des « homonculus », projections des différentes parties du corps sur le cortex moteur et sensitif
Source: http://afppe.poitou.online.fr
2- Effet d’une hyperactivation sympathique sur les fluides extracellulaires
La perturbation de la balance sympathique/parasympathique va « freiner » les circulations dans les tissus. En effet, même si le rôle du sympathique, en situation d’attaque, est d’envoyer du sang en direction du coeur, des poumons et des muscles pour réagir vite à la situation, nous observons à la longue, une perturbation des flux dans les tissus, au niveau extra cellulaire notamment, à cause de la tension des fascias. Les tissus sont finalement moins performants pour leurs échanges métaboliques (recevoir des nutriments et éliminer des déchets), ce qui contribue à la formation de stase et d’état inflammatoire.
Carrefour sous‑occipital (source: atlas anatomie F.Netter)
3- Le rôle clé de la charnière crânio‑rachidienne
Outre les tensions dont nous venons de parler, l’état d’hyperactivation du sympathique crée des dysfonctions dans la région occiput‑atlas‑axis (la charnière entre le crâne et la nuque), autour du ganglion cervical supérieur, centre relai de la chaîne nerveuse avant l’entrée dans le crâne.
Cette région est une clé dans l’équilibre postural global car elle constitue une porte d’entrée vers les centres nerveux de l’équilibre (cervelet, noyaux vestibulaires du pont, noyaux oculomoteurs entre autres), et que les muscles de la nuque influencent les tensions de toute la colonne vertébrale, jusqu’au coccyx.
La restriction sous‑occipitale entraine une « retenue » de la « balançoire »mandibulaire. En effet, la mandibule, dans ses mouvements, est comme une balançoire, allant, et venant d’avant en arrière. Cette balançoire a besoin d’être libre pour effectuer ses mouvements de manière harmonieuse et complète (antépulsion, diduction, mastication…)
source: mobilesport.ch Mastication-ppp.net
Il peut bien sûr y avoir un « terrain de fond » mécanique fragile, par exemple une prédisposition familiale à l’arthrose, l’arthrite, des subluxations temporo‑mandibulaires dues à des pressions orthodontiques, ou autres. C’est pourtant souvent un contingent neurovégétatif qui déclenche la phase aiguë inflammatoire ou un système de défense neuro‑musculaire.
Approche clinique en ostéopathie crânio‑maxillo‑faciale
- Le traitement manuel ostéopathique va bien‑sûr s’intéresser à restaurer l’équilibre crânien et temporo‑mandibulaire, mais le vrai travail de fond vise le système nerveux autonome. L’idée est d’agir sur les points qui vont, un peu comme par voie réflexe, permettre d'harmoniser la balance entre le sympathique et le parasympathique. En pratique, il est indispensable de passer certaines zones « au peigne fin »:
- La jonction occiput‑atlas‑axis, tout en haut de la colonne vertébrale, dont nous avons déjà parlé, en relation avec le ganglion cervical supérieur du sympathique.
- La charnière entre la 7e vertèbre cervicale et la première thoracique, en lien direct avec le ganglion stellaire (cervical inférieur), qui va notamment avoir un rôle important sur le contrôle vasculaire du crâne, ainsi que sur les informations allant et venant des organes thoraciques.
- La charnière entre la 12e vertèbre thoracique et la première lombaire: cette zone est tout un monde! Elle gère la tension des piliers du diaphragme. Le plexus solaire, centre nerveux si important pour toute la vie végétative, digestive, gynécologique, émotionnelle… les glandes surrénales, sécrétant l’adrénaline et le cortisol, en lien direct avec tout ce dont nous avons parlé dans cet article.
- La région du sacrum et du coccyx, qui ont bien sûr un lien mécanique très important avec toute la sphère crânienne, mais aussi des centre nerveux essentiels (notamment parasympathiques), au niveau des plexus hypogastriques.
Cette liste n’est bien sûr pas exhaustive, et a simplement pour intention de stimuler la réflexion du lecteur, de changer peut‑être la manière de voir ces pathologies d'une manière plus globale.
En conclusion, il est nécessaire de comprendre, comme dans toute pathologie, mais particulièrement dans les problématiques temporo‑mandibulaire, qu’au‑delà des facteurs loco‑régionaux il existe une notion de « terrain » dont les médecines dites holistiques comme l’ostéopathie crânio‑maxillo‑faciale s’attachent à traiter en priorité. Le rôle du SNA sur l’équilibre physiologique général est essentiel, et le traitement ostéopathique des différents centres réflexes neuro‑végétatifs permet une meilleure régulation sympathique/parasympathique, et donc un plus grand soulagement des patients ainsi qu’une meilleure efficacité des traitements conventionnels administrés.