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L’occlusion et les troubles de la proprioception
OCCLUSION ET TROUBLE DE LA PROPRIOCEPTION
L'occlusion dentaire, c'est à dire la manière dont les dents de l'arcade dentaire supérieure et inférieure s'emboîtent, est un des organes majeurs de la posture du corps humain. Avec les capteurs plantaires et oculaires, les capteurs occlusaux informent continuellement le système nerveux central de manière à ce qu'il puisse fournir une réponse posturale adaptée. Tous se relient à une sorte de quatrième organe sensoriel de la posture: la proprioception, dont nous allons parler dans cet article.
Schéma d'une malocclusion
Béance aux molaires et bout à bout incisif
Source: information-dentaire.fr
PHYSIOLOGIE DE LA PROPRIOCEPTION
La proprioception se définit comme la sensibilité permettant une perception de son propre corps et de la position de ses membres, organes et articulations. Lorsqu'on veut évoquer la perception interne des organes on peut même parler d'intéroception. On pourrait parler d'un sixième sens.
La proprioception contribue à former ce que l'on appelle le schéma corporel , sorte d'image ou de cartographie que chacun a de son propre corps, qui peut être plus ou moins développé selon les individus et leurs activités, ou qui peut aussi être dysfonctionnel à cause d'une pathologie. Même en dehors de cela, on considère que 10% de la population seraient sujets à un trouble fonctionnel de la proprioception, se manifestant de manière très diverse: ce n'est pas une maladie en tant que telle mais l'organe sensitif est défaillant.
La proprioception contribue à maintenir son corps en équilibre dans l'espace, à réaliser des mouvements adaptés à son environnement et à réajuster sa position si l'environnement vient à changer.
Organe de Golgi (ONTG).
Source: santé,journal des femmes.fr
Les capteurs contenus dans la peau, les tendons et les articulations, sont directement activés en réponse aux changements de pression, de tension sur les tissus. Pour les tendons, on parle d'ONTG (organe neuro‑tendineux de Golgi), pour les articulations de corpuscule de Pacini, Rufini, de fuseau neuro‑musculaire pour les muscles à proprement parler.
Les nerfs conduisent ces informations jusqu'au cerveau qui les reçoit et les analyse.
Corpuscule de Pacini. Source aquaportail.fr
Une idée importante à comprendre: la quantité des capteurs et la qualité des informations qu'ils véhiculent sont directement liés à la plus ou moins bonne fonction d'un organe, d'un muscle). Un tendon ou un muscle pauvre du point de vue proprioceptif ou envoyant des informations erronées serait beaucoup plus sujet à des traumatismes (pour un tendon d'Achille ou les muscles péroniers latéraux, cela conduirait à un risque de tendinites, entorses…).
Nous allons voir relativement succinctement la différence entre les voies conscientes et inconscientes de la proprioception .
La proprioception consciente (lemniscale)
Elle est constituée des fibres nerveuses formées en faisceaux qui remontent le long de la moelle épinière. Ce sont les cordons postérieurs de la moelle. Le faisceau de Goll contient les informations sensitives provenant du bas du corps (membre inférieur) et le faisceau de Burdach les informations de la partie supérieure du thorax, du cou et du bras.
Ces faisceaux font un relai dans deux noyaux qui se trouvent au niveau du tronc cérébral (noyau gracile et cunéiforme), avant de poursuivre leur chemin jusqu'au thalamus où un nouveau relai se fait avant d'être traité par le cortex (centre nerveux supérieurs)… Le thalamus est un complexe de noyaux très important qui reçoit les informations sensitives de la grande majorité du corps.
Les informations sensitives de la voie lemniscale sont appelés « conscientes » car elles ne constituent pas à proprement parler un système réflexe involontaire.
La proprioception inconsciente (cérébelleuse)
Topographie du cervelet dans la boite crânienne
Elles constituent un système réflexe inconscient qui a pour but le maintien d'un tonus musculaire de base, le maintien de la posture du sujet et le contrôle du mouvement en cours . Ces voies, notamment celles sur maintien du tonus de base et de la posture, sont très anciennes du point de vue phylogénétique (le développement des espèces): on parle de cerveau archaïque, archipallium ou archicortex. Les noyaux en fonction dans le cervelet sont le flocculus et nodulus (les plus profonds), puis les noyaux du toit et les olives cérébelleuses (ces dernières étant impliquées dans la régulation des mouvements fins, plus récents du point de vue phylogénétique).
Coupe sagittale du cervelet
Ce système complexe est relié aux noyaux du tronc cérébral (des nerfs crâniens comme les noyaux vestibulaires, oculomoteurs, pour les réflexes d'équilibre, les noyaux du trijumeau mais aussi d'autres noyaux propres au tronc cérébral que nous ne détaillerons pas). Ce qui compte avant tout, c'est de se rappeler la différence entre les voies lemniscales conscientes et les voies cérébelleuses inconscientes.
PHYSIOLOGIE DES INFORMATIONS LIÉES À L'OCCLUSION
Comme nous en avons déjà parlé dans l'article « les dents et la posture » les dents transmettent des informations essentielles. Reprenons‑en le chemin.
Le nerf trijumeau
Territoire d'innervation du nerf trijumeau
La dent reçoit des informations diverses, notamment à la pression qui s'exerce sur elle (les capteurs sont très sensibles et réagissent à des pressions très minimes). Elle transmet cette information au ligament alvéolo‑dentaire et au nerf dentaire, filet nerveux du Trijumeau correspondant à chaque dent. Ces informations nerveuses cheminent et remontent le nom du nerf jusqu'au premier relai, le ganglion de Gasser, posé sur la base du crâne à peu près au niveau de l'oreille. Ce relai permet de centraliser les informations venant de toutes les branches du nerf trijumeau de manière à les faire cheminer de manière cohérente et globale (comme les branches d'un arbre se relient aux branches principales puis au tronc). Le nerf trijumeau poursuit son trajet et entre ensuite à la face antérieure du pont du tronc cérébral (voir schéma).
Source :santé.journaldesfemmes.fr
Ce qui est très intéressant, c'est que ce nerf est le plus large de tous les nerfs crâniens. Cela n'a rien d'anecdotique puisque sa taille est correspondante à la quantité de fibre nerveuse qu'il contient, donc à son importance du point de vue neurologique. Si nous reprenons cette image de l'homonculus de Penfield, nous voyons que ce sont bien les informations sensitives de la région crânienne, donc sous contrôle majeur du nerf trijumeau, qui occupent la plus grande partie du cortex sensitif (la partie la plus supérieure du contrôle neurologique).
Homonculus de Penfield: projection des informations sensitives sur le cortex cérébral.
Image des noyaux des nerfs crâniens dans le tron cérébral
Source: atlas anatomie Netter.
À l'intérieur du tronc cérébral, les noyaux relais sont le nerf moteur du trijumeau (pour les muscles de la mastication), ainsi que les noyaux spinal, pontique et mésencéphalique, contrôlant la sensibilité. Ces noyaux sont très importants tant par leur taille que par leur fonction : ils occupent pour la région crânienne la même fonction que les noyaux graciles et cunéiformes et ont donc leur place dans les voies lemniscales que nous avons vues au chapitre précédent.
Systèmes spécifiques complexes et convergence des informations
Tous les organes sensoriels comme les yeux, les oreilles, les dents, envoient leurs informations spécifiques dans des noyaux du tronc cérébral ( « cerveau archaïque ») et dans cette région, les informations sont mises en commun et intégrées de manière plus globale. Par ce système qui passe du spécifique au plus global, on peut comprendre que tous les sens sont en interaction. En effet, l'audition n'est pas perçue de la même manière en fonction de la position des yeux, donc de la tête, etc. Chaque organe fonctionne par lui‑même mais il s'agit de jeux d'influences. La réponse finale du corps se fait toujours dans la globalité, dans l'environnement du moment.
Source :https://orthodontiste-colmar-diop.fr
Source: https://www.orthodontiste-paris.fr/
Tout cela explique donc du point de vue neurologique la manière dont la sensibilité du crâne et l'occlusion, qui nous intéresse ici, influencent et interagissent avec le sens proprioceptif dans son ensemble. Toute modification de l'occlusion aura potentiellement une répercussion profonde et globale sur le corps. Bien sûr, cela ne sera pas forcément symptomatique chez tous les patients: chaque personne a une capacité d'adaptation qui lui est propre et des personnes plus sensibles auront par exemple des symptômes de vertiges ou de déséquilibre suite à une chirurgie dentaire, une chirurgie orthognathique comme une ostéotomie mandibulaire ou bimaxillaire ( je vous invite à relire l'article traitant de la prise en charge de la chirurgie orthognathique en ostéopathie crânio‑maxillo‑faciale).
Importance de l'équilibre d'ensemble
Les troubles de la proprioception sont souvent difficiles à traiter qui peuvent nécessiter des prises en charges spécifiques (ophtalmologue, podologue, orthodontiste, occlusodontiste, orthoptiste), mais l'ostéopathie a une place de choix dans ce type de syndrome. Par son action sur les tensions tissulaires et les informations liées au système nerveux, l'ostéopathie va permettre d'amener un nouvel équilibre en enlevant des informations parasites, le tout dans une approche globale du corps et de la posture. On sait également l'influence majeure des facteurs émotionnels dans ce type de problèmes et le traitement en ostéopathie crânio‑maxillo‑faciale peut aborder spécifiquement cela.
Les troubles de la proprioception se rencontrent généralement pendant la croissance, chez des enfants dont le développement n'est pas optimal et qui souffrent de scoliose et autres pathologies orthopédiques, strabisme, trouble de la vision, de la mastication ou de la respiration (développement de la sphère oro‑faciale).
On retrouve également ces signes, chez l'enfant mais aussi chez l'adulte, dans le cadre d'un traumatisme : le corps du patient doit gérer un impact violent, physique, psychique ou les deux. Cet impact se traduit sous la forme d'une énergie que le patient doit être en capacité de gérer, à laquelle il doit s'adapter. Si sa capacité d'adaptation est dépassée, il peut s'en suivre une série de perturbations diverses : des douleurs , des dysfonctionnements des systèmes d'équilibre ( troubles vestibulaires, VPPB, instabilité, sensation, désagréable d'être désaligné, à côté de son corps, de ne pas réussir à se tenir droit), des malaises vagaux, acouphènes, états dépressifs sans autre explication, troubles digestifs liés à l'influence majeur du nerf vague sur l'équilibre neurovégétatif (vous pouvez relire l'article sur le sujet ici).
POUR CONCLURE
Bien que les troubles de la proprioception soient mal diagnostiqués, peu abordés par la médecine conventionnelle, beaucoup de scientifiques rapportent que cela serait la cause potentielle d'un grand nombre de maux dont les patients souffrent. Avoir cette idée à l'esprit peut aider le patient à mieux comprendre ce qui se passe et, le cas échéant, à s'orienter vers des professionnels de santé susceptibles de les prendre en charge.
L'ostéopathie crânio‑maxillo‑faciale peut être une aide car, par sa lecture globale du corps et de ses tensions ainsi qu'un abord plus approfondi de la sphère crânienne et temporo‑mandibulaire, peut permettre un rééquilibrage en profondeur de manière à redonner de meilleures informations, plus cohérentes, au système nerveux en charge de la proprioception.